LE « OPEN
ACCESS » COMME UN MOYEN IDEAL POUR L’AMELIORATION DES CONDITIONS DE LA
RECHERCHE ET DU DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE
Par
Emmanuel TCHOUMKEU
Conservateur de Bibliothèques
Université de Ngaoundéré / Cameroun
Blog : etchoumkeu.unblog.fr/
e.mail : etchoumkeu@yahoo.fr
Résumé
Le
développement de l’Afrique ne se fera pas sans la recherche scientifique. La
recherche scientifique contribue à la création des valeurs. En raison de ce que
les laboratoires et les centres de recherche sont naturellement localisés dans
les universités, quelqu’un a pu dire que « les centres de production de
richesse économiques migrent progressivement des usines et des entreprises vers
les universités[1]. » Pour faire avancer
la recherche, les universités ont besoin d’un approvisionnement régulier en
information scientifique et technique de bonne qualité et adaptée à leurs
besoins. Mais les bibliothèques des universités africaines sont généralement
pauvres en ressources documentaires de qualité pour soutenir efficacement la recherche scientifique et technique.
Au-delà de la crise économique, les raisons de cette pauvreté en ressources
documentaires des bibliothèques universitaires africaines sont nombreuses. Aujourd’hui,
grâce au « Open access[2] »,
un jour nouveau est entrain de se lever sur la recherche en Afrique. Le
« Open access » est la libre disponibilité en ligne de contenus
numériques. Il est principalement en rapport avec les articles de revues ou de
recherches universitaires, sélectionnés par des pairs, et publiés
gratuitement. La société de
l’information a radicalement changé. L’information était très rare hier à cause de certains
facteurs (moyens financiers, distance géographique, etc…). Ces facteurs
limitaient sérieusement son accès par le commun des chercheurs. L’information
scientifique et technique est très largement disponible de nos jours. Mais
certains chercheurs ne peuvent pas en tirer profit parce qu’ils ne savent pas
que les choses ont changé en leur faveur. Des millions de ressources
documentaires (e.books, e.journals, etc..) sont accessibles de nos jours par
toute la communauté des chercheurs sur Internet. Les chercheurs africains ont
juste besoin de savoir où et comment accéder à ces ressources en ligne pour les
lire ou les télécharger librement. Le « Open access » se présente donc aujourd’hui comme un moyen
idéal pour l’amélioration des conditions de la recherche et du développement en
Afrique.
Mots – clés : Open
access ; libre accès ; IST ; Information Scientifique et Technique ;
Recherche ; Développement ; Bibliothèques ; Universités ;
Cameroun ; Afrique ; e.boock ; e.journals. Internet
I - Introduction
La recherche et le développement sont deux notions essentielles et
presque complémentaires. La recherche est le moteur du développement. Le
développement, dès qu’il devient effectif, soutient et relance la recherche. De là il
est facile de comprendre que si le développement des pays d’Afrique n’a toujours pas décollé depuis des dizaines
d’années d’indépendance, c’est parce que la recherche scientifique dans les
pays africains manque encore de ressources nécessaires pour le soutenir
convenablement. Quand elle est dynamique et bien menée, la recherche
scientifique contribue à la création des valeurs qui font avancer le secteur du
développement humain, moral, social, économique, politique.
Dans la difficulté d’avoir des données fiables concernant l’ensemble des pays
africains, le cadre de notre recherche sera le Cameroun. Le Cameroun n’est pas
un cas isolé en ce qui concerne les difficultés d’accès à l’information
scientifique et technique. En conséquence, ce qui sera vrai dans ce domaine
pour le Cameroun sera applicable à beaucoup d’autres pays africains.
Après une brève présentation des conditions difficiles d’accès à
l’information à l’information scientifique et technique dans lesquelles la
recherche évolue au Cameroun, nous proposerons, un moyen idéal d’accès à
l’information. Dans ce cadre, nous présenterons le mouvement du « Open
access[3]» et
la lutte qu’il mène, depuis sa création afin que l’information scientifique et
technique produite par la communauté scientifique internationale, devienne la
chose la mieux partagée dans le monde
des chercheurs issus à la fois des pays
pauvres et des pays riches.
II - Conditions d’avancement difficiles de
la recherche scientifique et technique en Afrique
En occident, la majorité des usines et des entreprises travaillent en
étroite collaboration avec les universités. Les usines et les entreprises sont
en fait des structures chargées de la
traduction en actes concrets des résultats des recherches scientifiques et
techniques des universités. Dans cet esprit, les usines et les entreprises
proposent parfois quand cela s’avère nécessaire, aux universités, des sujets de
recherche stratégiquement importants pour elles, et acceptent volontiers de financer
leur réalisation. Les universités, en acceptant, de par leur vocation, d’être
au centre de la recherche scientifique et technique contribuent à la création
des valeurs. C’est ce qui justifie ces propos d’un observateur averti qui
dit ceci : « les centres de production de richesse économiques migrent
progressivement des usines et des entreprises vers les universités[4]. »
Pour réaliser ces recherches, les universités ont besoin des moyens
financiers, matériels et humains, mais elles ont surtout besoin de la
disponibilité des ressources informationnelles. Car s’il est vrai que l’argent
est le nerf de la guerre, l’information scientifique et technique est le nerf
de la recherche scientifique et technique.
Pour disposer d’une information scientifique et technique de qualité, les
universités comptent sur l’appui des bibliothèques qui leur sont attachées. Les
bibliothèques sont pour les universités, un appui indispensable pour
l’enseignement et la recherche. Elles apportent aux universités une assistance
indispensable dans la réalisation de leurs missions essentielles dans la
société. Pour ce faire, elles mettent à leur disposition l’information
scientifique et technique dont elles ont besoin et / ou les aident tout simplement à y accéder.
Mais les bibliothèques universitaires africaines sont souvent
défaillantes dans l’appui qu’elles sont supposées apporter aux universités. La
première raison de cette défaillance est le manque de financement. La
conséquence de cette pauvreté est que la gestion et la mise à jour des
collections documentaires dans ces bibliothèques sont négligées ou ne font pas
partie des grandes priorités. La seconde raison c’est la pauvreté en ressources
humaines. Beaucoup de ces bibliothèques n’ont presque pas d’agents
régulièrement formés[5]. Et
quand elles ont de tels agents, ces derniers n’ont pas souvent des facilités
pour bénéficier d’une formation continue en rapport avec l’évolution des TIC[6]. Les
technologies de l’information évoluant chaque jour. Un spécialiste de l’Information qui évolue
pendant des années à la marge des changements notoires qui ont eu lieu dans son
domaine perd automatiquement de son efficience. Dès lors, il convient de se
poser ces questions : Comment une bibliothèque universitaire gérée par des
agents qualitativement incompétents et disposant d’une collection documentaire
(livres, revues scientifiques, etc.) obsolète peut valablement appuyer
l’enseignement et la recherche ? Il est évident qu’une telle bibliothèque
ne peut pas être d’une grande utilité pour les chercheurs et pour
l’enseignement.
Dans ce contexte, et pour toutes ces raisons, les chercheurs africains
sont souvent dans l’obligation de faire de gros sacrifices, pour aller
finaliser leurs travaux dans les pays occidentaux, où ils pourront bénéficier
des ressources documentaires disponibles dans leurs bibliothèques
universitaires et dans leurs laboratoires. Comment remédier à cette
situation ?
C’est à ce niveau que l’« Open
Access » apparaît comme étant un moyen idéal pour l’amélioration des
conditions de la recherche et du développement en Afrique et dans le monde.
III - Genèse du « OPEN ACCESS »
Le
mouvement de l' « Open Access » s'est en partie développé dans
le monde des chercheurs. Aux
états unis, refusant de céder la totalité de leurs droits patrimoniaux et
contestant les prix exorbitants des abonnements, les chercheurs en physique
théorique, en mathématiques, en médecine, puis en sciences cognitives
développèrent entre 1991 et 1997, des serveurs pour stocker leurs publications
avant parution (preprints[7]),
puis après publication dans un journal scientifique (postprints[8]).
Après ce stockage, ils avaient décidé de rendre ces serveurs accessibles à
l'ensemble de la communauté scientifique internationale.
Ce
mouvement prit de l'ampleur et fut relayé par les organismes de financement de
la recherche. Cela donna lieu à plusieurs déclarations de scientifiques. Ces
déclarations furent l’œuvre des organismes de différents pays réunis à Budapest
(2002), puis à Berlin (2003, 2004 et 2005), ceci obligea les éditeurs à céder à
la pression et à accepter, pour 80% d'entre eux, des dérogations à leurs
contrats de cession des droits d'auteur. A ce mouvement, le nom de « Open
Access » (en français « accès libre ») a été donné.
III.1 - De quoi s’agit – il ?
Selon le BOAI[9],
2002, « Par
"accès libre" [à la] littérature, nous entendons sa mise à
disposition gratuite sur
l'Internet public, permettant à tout un chacun de lire, télécharger, copier,
transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces
articles, les disséquer pour les indexer, s'en servir de données pour un
logiciel, ou s'en servir à toute autre fin légale, sans barrière financière, légale ou technique autres que celles
indissociables de l'accès et l'utilisation d'Internet. La seule contrainte sur
la reproduction et la distribution, et le seul rôle du copyright dans ce
domaine devrait être de garantir aux auteurs un contrôle sur l'intégrité
de leurs travaux et le droit à être correctement reconnus et cités. »
III.2 - Comment
fonctionne – t – il ?
Deux voies
complémentaires permettent d’expliquer le mécanisme par lequel le mouvement du
« Open Access » parvient à la mise à disposition gratuite de la
littérature scientifique sur l’Internet public.
1)
la « voie
dorée[10] » : les revues rendent leurs articles directement et
immédiatement accessibles à la publication. Ces publications s'appellent des
« revues à accès ouvert» ou « Open Access journals ».
2) la
« voie verte[11] » : cette voie donne aux chercheurs la possibilité de mettre eux-mêmes en
ligne dans des « archives ouvertes[12] »,
leurs articles par le procédé appelé « auto-archivage[13] ».
C’est ce qui se passe d’une part dans le cas des archives disciplinaires.
Une
archive disciplinaire réunit l’ensemble de la production de plusieurs
institutions dans un domaine scientifique donné. Exemple : ArXiv[14],
pour les sciences physiques ;
CogPrints (http://cogprints.org/), pour ce qui concerne la littérature
relative à la psychologie, à l’informatique, à la neuroscience, à al biologie,
etc ; Pubmed[15],
pour la littérature biomédicale
etc.…
D’autre
part, c’est également ce qui se passe dans le cas des archives institutionnelles[16]. Une archive institutionnelle relève
d’une institution (université, grande école, organisme de recherche,
association professionnelle) et a pour objectif de contenir, valoriser et
conserver l’ensemble de la production scientifique de celle-ci.
III.3 - Ressources numériques accessibles
gratuitement par l’entremise du « Open Access »
L’« Open Access », en
français « libre accès » est la libre disponibilité en ligne
de contenus numériques, qui peuvent eux-mêmes être
soit libres (Creative commons[17]),
soit sous un des régimes de propriété intellectuelle
L’ « Open Access » est principalement
utilisé pour les articles des revues ou de recherches universitaires, sélectionnés par des
pairs,
publiés gratuitement. Ces revues sont
accessibles par l’intermédiaire des deux liens suivants : DOAJ[18] (Directory of Open Access Journals)
et Open J-Gate[19].
Il convient de noter que le « Directory
of Open Access Journals » est au service de la diffusion des revues
scientifiques en libre accès depuis mai 2003.
Le « Directory of Open Access Journals »
est le
répertoire est le plus important et le plus fiable de revues académiques
en « Open Access ». Plus de 7000 revues y sont signalées à ce jour (septembre
2011) et l’interrogation dans ces revues peut se porter sur plus de 600.000
articles.
En ajout à ces ressources, signalons également
le site de l’ « OAIster[20] »
qui cherche à valoriser les ressources électroniques librement accessibles dans
1100 institutions. Avec plus de 22 millions de références, il déborde largement
du cadre des périodiques électroniques.
Au regard de tout ce
qui précède, il convient de noter que des millions de ressources numériques
sont aujourd’hui disponibles en ligne gratuitement pour la communauté
internationale des chercheurs.
Les outils qui
permettent d’accéder à ces gisements de ressources en ligne sont des
bibliothèques numériques et les moteurs de recherche. Citons ici quelques uns
de ces outils :
III.4 - Les bibliothèques numériques (Bibliothèques
virtuelles)
Une bibliothèque
numérique est une collection organisée de documents électroniques
sur Internet, associée à une interface permettant la recherche et la
consultation de ces documents. Un nombre très considérable de bibliothèques
numériques ont facilement adhéré à l’initiative du mouvement du « Open
access ». Elles mettent en libre accès, en ligne, leurs riches collections
à la disposition de la communauté internationale des chercheurs. Ces
bibliothèques numériques sont très variables en volume et types de documents.
De ces bibliothèques, nous nous limiterons à citer ci-dessous quelques unes
seulement :
-
PLoS[21]
(Public Library Of Science)
-
The Free Library[23]. Ce
site regroupe des centaines de Bibliothèques numériques classées par domaines
Scientifique et des milliers de revues numériques
-
Projet Gutenberg[24]. Le
Projet Gutenberg reste la référence à l’ouest de l’Atlantique. Plus de 20.000
titres du domaine public dont plus de 1.000 en français
-
AccessMyLibrary[25] . AccessMyLibrary
offre un libre accès à plus de 30 millions d’articles des meilleures
publications scientifiques.
-
The Online Books Page[26].
Cette bibliothèque possède plus de 900,000 livres
numériques de formats variés
Il existe en ligne des
annuaires de bibliothèques virtuelles[27]. Il
existe également des gisements de thèses. De ces gisements, les plus connus et
les plus riches sont les suivants :
- « Dart Europe[28] »,
ce gisement récence environ 215.784
thèses. Ces thèses en « Full-
text », sont accessibles gratuitement.
- « NetWorked Digital Library of Thesis[29] »
- « Thèses-en-ligne[30] »
- « EThOS[31] » :
plus de 250.000 thèses en « full-text ».
III.5 - Les moteurs de recherche
spécialisés
Un moteur de recherche est un
logiciel exploitant des bases de données contenant le texte de dizaines de
millions de pages web. Il identifie les pages correspondant à un critère de
recherche et les présente sous forme de liens, agrémentés de brèves
descriptions. Il existe en ligne des moteurs de recherche académiques offrant l’accès aux ressources en accès
libre :
-
Open Ebooks Library[32]
-
WorldCat[33]. WorldCat
donne accès à la plus large gamme possible de ressources numérique, en faisant
une recherche simultanée dans plusieurs bibliothèques numériques du monde
entier. Il contient plus de 25 millions de données, provenant de plus de 1.100
contributeurs.
-
J-Gate[34].
Il s’agit ici d’un moteur de recherche pluridisciplinaire qui récence
plus de 7967 Revues Open Access et plus de 4773 « Peer-Reviewed ».
Plus de 300.000 articles y sont ajoutés chaque année.
-
Popular INFOMINE Resources[35]. Véritable
mine pour l’information scientifique et technique, INFOMINE est une
bibliothèque virtuelle. Elle contient des
bases de données, des revues numériques, des livres numériques, des articles,
et bien d’autres choses utiles à l’enseignement et à la recherche
-
Science
Gate[36].
L’objectif de Sciencegate est de faire que la littérature scientifique
soit gratuitement accessible sur Internet. .En vue d’atteindre cet objectif,
les données scientifiques provenant de
1,400 universités et des revues
scientifiques ont été collectées, catégorisées et stockées.
-
HAL[37] . HAL
est une archive ouverte pluridisciplinaire
destinée au dépôt et à la diffusion d'articles scientifiques de niveau
recherche, publiés ou non. Il contient également des thèses émanant des
établissements d'enseignement et de recherche français ou étrangers, des
laboratoires publics ou privés. Plus de 138.000 documents y sont disponibles.
Certains de ces moteurs de recherche appartiennent aux éditeurs bien
connus dans le monde de la littérature scientifique. Nous ne citerons ici que
l’ « Open Access » de l’Editeur Springer[38].
IV - Comment faire du « Open
access » un moyen permettant la progression effective des conditions de la
recherche et du développement en Afrique ?
Tout ce qui précède permet de
dire que l‘ « Open Access » est de première importance pour
l’enseignement, la recherche, le développement et l’éducation, non seulement
dans les pays à faible revenu comme le Cameroun, mais également dans les pays
plus développés où l’accès complet aux publications scientifiques se situe
au-delà des moyens financiers de plusieurs bibliothèques et de plusieurs
lecteurs.
« Le mouvement du
« Open access » doit beaucoup
aux bibliothèques, notamment aux bibliothécaires et documentalistes américains
qui se sont très tôt élevés contre l’impossibilité de fournir à leurs usagers tous les documents
qu’ils cherchaient[39]. »
Le coût des abonnements ne cessant de croître[40] , les bibliothèques ont l’obligation d’opérer
des choix de bouquets de revues en ligne. Pendant ce temps, la portion
du budget des bibliothèques universitaires réservée aux abonnements (revues)
est le plus souvent réduite chaque année quand elle n’est pas statique ou tout
simplement supprimée sous le prétexte de la crise économique.
En France, les acteurs de la
documentation participent ou initient aussi des projets[41].
Notons également qu’en France, les bibliothécaires ont été à l’origine de la
création des premiers réservoirs des ressources en « Open Access ».
Pourquoi ?
Animés par le souci de soutenir chaque jour davantage l’enseignement, la
recherche et le développement, les bibliothécaires universitaires sont devenus
de fervents défenseurs du mouvement du « Open Access ». La question
que ces derniers se posent aujourd’hui est la suivante : « Comment faire
comprendre aux chercheurs que l’ «Open Access » est important pour
eux ? ».
Cette question provient du fait que les chercheurs n’ont jamais compris
que les bibliothécaires sont des professionnels de l’information scientifique
et technique. Qu’ils ont été spécialement formés pour jouer le rôle de conseil
auprès d’eux. Pour la majorité de ces
chercheurs, les bibliothécaires sont de simples fournisseurs
d’informations, dont le seul rôle est la mise à disposition, de celles-ci.
Certains de ces chercheurs n’arrivent pas à établir la différence entre les
bibliothécaires universitaires et les gardiens de livres.
Pour que la recherche et le développement puissent réellement décoller au
Cameroun et dans les autres pays d’Afrique en s’appuyant sur l’« Open
Access », cette vision simpliste du bibliothécaire universitaire par les
chercheurs devrait changer. Dans les universités africaines, le couple
chercheurs et bibliothécaires doit apprendre à se respecter mutuellement car
plus que jamais, il convient d’admettre que les composantes de ce couple sont
mutuellement dépendants. Sans chercheurs le travail des bibliothécaires serait
inutile ; sans bibliothécaires, les chercheurs seront comme un moteur sans
carburant, parce qu’ils ne maîtrisent pas suffisamment les sources de
l’information scientifique et technique dont ils ont besoin pour avancer dans
leurs travaux.
Anciennement sur support papier et rangée sur des rayons des
bibliothèques facilement accessibles par tous, l’information scientifique et
technique est beaucoup plus numérique aujourd’hui. Dans ce nouveau format, elle
se trouve essentiellement stockée dans
des serveurs et placée en ligne sur Internet. Pour en avoir accès, beaucoup de
chercheurs seront désormais dans l’obligation de composer avec les
bibliothécaires universitaires devenus des intermédiaires indispensables entre
les chercheurs et les ressources numériques stockées en ligne. Dans cette
perspective, les bibliothécaires universitaires les plus avisés ont déjà créé
des bases de données qui recensent les ressources numériques en ligne et en
« Open access », correspondant aux centres d’intérêts de des utilisateurs de leurs bibliothèques.
La place stratégique qu’occupe le secteur de la recherche scientifique
dans toute action visant la libération des peuples, leur développement et le
progrès de leur économie fait que sa réforme constitue une des grandes priorités
dans les programmes et les décisions de tous les pays développés et de la
majorité des pays en voie de développement. La réforme de la recherche au
Cameroun et dans les pays africains passera impérativement par la prise en
compte des apports informationnels gratuits et de grande valeur scientifique du
« Open Access » dans ce secteur. Cette prise en compte nécessite un
accès de bonne qualité à l’Internet.
Mais l’accès à l’Internet dans les bibliothèques universitaires
camerounaises n’est pas encore, à proprement parler, une réalité, par
conséquent la consommation des ressources électroniques par les usagers des
bibliothèques universitaires camerounaises tend vers zéro.
A
l’exception de quelques universités privées (Université Catholique de l’Afrique
centrale, etc.), les six universités d’Etat du Cameroun souffrent presque
toutes des mêmes problèmes en ce qui concerne l’accès au réseau Internet.
La
connexion à l’Internet dans ces universités est plus ou moins aléatoire.
Nous avons effectué en 2004 une enquête à l’Université de Ngaoundéré sur
le thème suivant : « Utilisation des NTIC à l’Université de Ngaoundéré[42] ».
Les résultats de cette enquête sont encore d’actualité et peuvent encore
s’appliquer plus ou moins à chacune des cinq autres universités d’Etat du
Cameroun.
Dans le cadre de ce travail, nous avons interrogé 100 personnes, à
savoir : 20 enseignants et 80 étudiants inscrits en années de master 2.
L’enquête sur le terrain avait été articulée autour de trois points essentiels.
Il s’agissait des points suivants :
-
connaissance et utilisation des TIC (Ordinateurs,
nouveaux supports de mémorisation),
-
l’utilisation de l’Internet et
-
recherches sur Internet.
Les données obtenues au terme de cette enquête nous ont conduits à constater
qu’il y a une appropriation inégale de l’outil informatique par les étudiants.
En effet, la maîtrise des outils bureautiques et des interfaces
graphiques de type Windows semblait le plus souvent liée à l’intérêt et au
parcours personnel de l’étudiant, plus qu’à une véritable formation structurée.
Or cette maîtrise de l’outil « micro-ordinateur » est le préalable à
l’appropriation de logiciels de recherche documentaire, et plus largement de
recherche d’informations sur les réseaux
et sur les différents supports de l’information numérisée.
Si pour certains jeunes enseignants
– chercheurs (Master 2, Thèse), la maîtrise des logiciels bureautiques ou spécialisés dans leur
discipline semblait souvent acquise, on avait constaté cependant une
méconnaissance réelle des sources d’informations électroniques.
En conséquence, pour ces étudiants, la recherche d’informations
spécialisées, s’effectuait de manière intuitive et souvent aléatoire en l’absence d’une approche raisonnée et méthodologique.
Pour ces étudiants la difficulté se trouvait parfois au niveau de la
connaissance des moteurs de recherche et de leurs caractéristiques et spécialités et enfin au
niveau la rédaction de l’équation de la recherche.
Pour
ce qui concerne ce dernier point, il arrive régulièrement aux étudiants et aux
enseignants de ne pas faire de différence entre le langage naturel et le
langage documentaire. Et pourtant, rares sont les moteurs de recherche qui
acceptent l’usage du langage naturel pour l’interrogation, la grande majorité
entre eux ne peut être interrogé qu’en langage documentaire, un langage bien
structuré et normalisé.
Il
est donc utile de connaître le langage documentaire si on veut exploiter
efficacement certains moteurs de recherche disponibles sur Internet. Ce
principe est utile aussi pour ce qui concerne les ressources en
« Open access »
L’autre constat c’est que la profession bibliothéconomique souffre encore
d’une profonde méconnaissance auprès des enseignants et des étudiants.
L’enquête avait révélé que 34,375 % de personnes interrogées croyaient
pouvoir se passer du concours des cadres de la bibliothèque au cours de leurs
recherches.
Ces derniers oublient que la
bibliothéconomie est un domaine de compétence et que le bibliothécaire est le
facilitateur idéal pour toute opération de recherche de l’information.
Pour jouir convenablement des apports informationnels du « Open
access », les bibliothèques universitaires africaines devront par
conséquent être équipées de ressources humaines hautement qualifiées et de
ressources matérielles et informatiques capables techniquement de leur
permettre d’exploiter à fond les ressources numériques disponibles
gracieusement en ligne.
V - Conclusion
L’investissement dans la recherche scientifique est une nécessité
stratégique et vitale pour tout pays en voie de développement qui veut garantir une vie meilleure à son
peuple, qui veut se libérer de la dépendance, qui veut jouer un rôle dans la
communauté internationale dans les années à venir. Améliorer les conditions de
la recherche scientifique est la
condition sine qua non pour le développement
économique et politique du Cameroun et des pays d’Afrique. Donner aux
bibliothèques universitaires les moyens matériels, informatiques et humains pour un accès facile aux ressources
disponibles en « Open access » c’est l’un des moyens par excellence d’investir dans la
recherche quelles que soient les limitations financières dont on peut être
l’objet.
Par
Emmanuel TCHOUMKEU
Conservateur de Bibliothèques
Université de Ngaoundéré / Cameroun
Blog : etchoumkeu.unblog.fr/
e.mail : etchoumkeu@yahoo.fr
[1] - Conclusion d’une étude
de l’U.C Berkeley, 1978
[2] Open Access
: principe d'accès gratuit aux publications scientifiques (« Libre accès »).
C'est aussi comme cela qu'on appelle le mouvement, initié à Budapest en 2001
par des scientifiques d'horizons divers, et appelant à ce principe. On emploi
souvent « Open Archive » pour désigner
le mouvement d’Open Access. http://www.enpc.fr/fr/documentation/doc_electronique/open_access_3.html
[3] - Open Access
: principe d'accès gratuit aux publications scientifiques (« Libre accès »).
C'est aussi comme cela qu'on appelle le mouvement, initié à Budapest en 2001
par des scientifiques d'horizons divers, et appelant à ce principe. On emploi
souvent « Open Archive » pour désigner
le mouvement d’Open Access. http://www.enpc.fr/fr/documentation/doc_electronique/open_access_3.html
[4] - Conclusion d’une étude
de l’U.C Berkeley, 1978
[5] - à la bibliothèque de
l’université de Ngaoundéré (Cameroun), sur 15 agents en service, un seul a reçu
une formation complète. Depuis, deux décennies aucun autre agent n’est allé en
formation technique. Tout le monde se contente de la formation reçue sur
place.
[6] - Technologie de
l’Information et de la
Communication.
[7] - la prépublication
désigne les versions d’un texte produit par un (des) auteur(s) avant
acceptation par un comité de rédaction et éventuellement par un comité de
lecture (évaluation par les pairs).
[8] - la postpublication est
la version publiée dans une revue d’un texte produit par un (des) auteur(s)
après acceptation par un comité de rédaction et éventuellement par un comité de
lecture (évaluation par les pairs).
[10] -
la voie dorée s’applique à la publication d’articles dans des revues en libre accès.
Elle correspond à la deuxième stratégie recommandée dans l’Initiative de
Budapest pour l’Accès Ouvert : « Revues alternatives : en second
lieu, les savants ont besoin des moyens pour lancer une nouvelle génération de
revues alternatives engagées dans le libre accès et pour aider les revues
existantes qui choisissent d’opérer la transition vers l’accès libre. »
[11] - la voie verte qualifie l’auto-archivage des articles, dans
des archives ouvertes, par les chercheurs. Elle correspond à la première
stratégie préconisée dans l’Initiative de Budapest pour l’Accès Ouvert :
« Auto-archivage : en premier
lieu, les savants ont besoin d’outils et d’assistance pour déposer leurs
articles de revues à comité de lecture dans des archives électroniques
ouvertes, une pratique communément appelée auto-archivage. »
[12] - le terme archive
ouverte désigne un réservoir où sont déposées des données issues de la
recherche scientifique et de l’enseignement et dont l’accès se veut ouvert
c’est-à-dire sans barrière. Cette ouverture est rendue possible par
l’utilisation de protocoles communs qui facilitent l’accessibilité de contenus
provenant de plusieurs entrepôts maintenus par différents fournisseurs de
données.
[14] - http://arxiv.org/
[15] - http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/
[16] - voir : http://www.opendoar.org/
[17] - Creative commons :
les licences proposées par l’organisation Creative Commons sont des
contrats-type dans lesquels les auteurs déterminent les droits attachés à
l’œuvre qu’ils réalisent. Six contrats sont possibles en combinant quatre
éléments de base qui sont : la paternité, la modification, l’utilisation
commerciale et la réutilisation dans les mêmes conditions du contrat d’origine.
Elles peuvent s’appliquer à tout type d’œuvres ou un ensemble d’œuvres.
[20] -
http://www.oaister.org/o/oaister/viewcolls.html
[23] - http://www.thefreelibrary.com/
[24] - http://www.gutenberg.org/catalog/
[25] - http://www.accessmylibrary.com
[27] - http://vlib.org/
[29] - http://www.ndltd.org/
[31] - http://ethos.bl.uk/Home.do
[32] - http://ebooksgo.org/free-open-access-ebooks.html
[33] - http://oaister.worldcat.org/
[34] - http://www.openj-gate.com/Search/QuickSearch.aspx
[35] - http://infomine.ucr.edu/
[36] -http://sciencegate.ch/web/guest;jsessionid=B88BD641C1C651798E6BCF250CF77912.ekh
[37] - http://hal.archives-ouvertes.fr/index.php?halsid=mpk4801a5qb6ujvu90e9rrtjo4&action_todo=home
[38] - http://www.springer.com/open+access?SGWID=0-169302-0-0-0
[39] - Gabriel. G. Le libre
accès (Open access) : partager les résultats de la recherche. 2005
[40] - Source ARL : http://www.arl.org/stat/arlstat/graphs/2003/monser03.pdf
; www.journalprices.com
[41] - Couperin qui mutualise
les achats de bouquets pour les universités. Persée, un portail de revues en
Sciences humaines et sociales numérisées, Sparte, un projet d’archivage des
thèses, STAR, une plateforme de recensement
de thèses archivées, le portail SUDOC se propose finalement d’être un
moissonneur national
[42] - TCHOUMKEU Emmanuel.
Utilisation des Nouvelles technologies de l’Information et la Communication à
l’Université de Ngaoundéré. (Mémoire du DSSIC « Diplôme Supérieur des
Sciences de l’Information et de la Communication »
2004. EBAD, Université Cheihk Anta Diop , Dakar, Sénégal)
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