Le 8 juin 2012, j’ai effectué un stage d’observation à
la médiathèque du Centre d’animation, de formation et de recherche et d’appui
au développement (Cafrad) à Douala au Cameroun dans le cadre du
Programme d’appui aux échanges professionnels des bibliothécaires mis sur pied
par le Goethe Institut du Cameroun. Bibliothécaire bénévole au Centre culturel
Francis Bebey (Ccfb) à Yaoundé, le choix du déplacement à la rencontre du
confrère de Douala, Mbitkui Patrice, a
été guidé par la curiosité de découvrir et de comprendre comment un
centre d’information documentaire s’active dans un quartier dont la
grande majorité des habitants est confrontée aux problèmes de survie. Mes
préoccupations ont durant mon séjour porté sur l’importance et l’impact
de la médiathèque du Cafrad, les stratégies de gestion et les services offerts,
ses activités d’animation ainsi que les possibilités de coopération entre les
deux structures.
L’environnement socio-urbain de la médiathèque.
Douala, quartier Bépenda, lieu dit Bépenda Casmando.
C’est cette zone urbaine qui abrite l’immeuble siège du Cafrad et sa
médiathèque. Bépenda Casmando tout comme son voisin de rue Bépenda
Yong-Yong, est un quartier fortement dominé par une population ayant un
niveau de vie précaire, dont l’essentielle des activés ressort de l’informelle,
de petits métiers de la débrouillardise, avec une croissance exponentielle des
lieux de débauche. Ces quelques traits caractéristiques de
l’environnement urbain de la médiathèque du Cafrad sont similaires de celui de
la bibliothèque du Ccfb, phagocytée par un dépôt de bois, au quartier
Nkolbikok II, lieu dit Melen -montée parc national. La médiathèque est le
seul service d’accès à l’information documentaire disponible ouvert au public
dans un rayon de 10 kilomètres.
La mission de la médiathèque au sein de la Cafrad
Le Cafrad est une ONG, œuvre de l’Eglise évangélique du
Cameroun (Eec). En 2009 naît le Projet d’orientation, de formation et
d’accompagnement à l’insertion socio professionnelle des jeunes (Profaije) qui
a pour cible la jeunesse défavorisée. C’est donc dans le cadre dudit projet que
la médiathèque a été créée en même temps que d’autres postes de responsabilité
tels que le chef des projets, le conseiller d’orientation, l’homme des métiers,
la répéreuse de nouvelles opportunités, le bureau d’animation et récemment
Radio Casmando. Dans le système Cafrad, la médiathèque a pour mission de
collecter, de traiter et de fournir des informations sur les métiers, la
formation professionnelle et la
recherche d’emploi ; en droite ligne avec la mission globale du Profaije.
Il apparaît donc qu’à l’origine la médiathèque est une structure spécialisée
dans l’information documentaire des métiers en direction des jeunes en quête
d’emploi ou de qualification. A défaut d’assumer pleinement cette mission, elle
est un espace de lecture et de recherche ouvert au grand public dont les
élèves et étudiants en majorité venant parfois des quartiers environnants.
Les
activités de la médiathèque
Les acquisitions pour alimenter le fonds documentaire
proviennent essentiellement de dons (centre culturel français de Douala), des
particuliers et de quelques achats sur fonds propres de la médiathèque. La
carte d’abonnement annuel coûte 1000 FCFA. La médiathèque compte 163 abonnés
cumulés et de milliers usagers occasionnels.
La médiathèque du Cafrad offre des services courants
d’abonnement et de prêt, d’accès à Internet, de lecture des périodiques
d’informations générales et spécialisée dont Le Management, La Voix du paysans, Cipcre, 100% Jeunes, Planète Jeunes, Contact Magazine, etc., de reprographie, et d’accompagnement
des jeunes sur la recherche d’informations sur les opportunités d’emplois et de
formations et sur d’autres problématiques propres à la jeunesse.
Au début de son fonctionnement, elle établissait un
programme trimestriel d’animation portant sur les projections
cinématographiques en partenariat avec le bureau animation de Camnafaw et le
centre culturel français de Douala devenu l’institut français du cameroun. La
mise en place de « Réussir ensemble », une banque d’épreuves
d’examens officiels de l’enseignement secondaire, un club des abonnés de la
médiathèque en partenariat avec le Club danse du Cafrad pour leur
formation aux danses de salon et les débats radiophoniques complétaient la
programmation trimestrielle d’animation de la bibliothèque. Seulement, ces
différentes activités ont pris fin en avril 2012 pour des raisons carence
financière. En 2011, le concours de poésie « les maux qui minent mon
quartier » a enregistré un seul participant, et cette expérience a
finalement avorté et n’a pas été renouvelée. Le médiathécaire explique
cet échec par l’absence de publicité autour du concours vers les cibles
potentielles. La seule activité spécifique en direction des jeunes jusqu’alors
est la production et la diffusion des fiches et dossiers sur les questions
d’emploi, de développement personnel et d’économie.
Les difficultés de la médiathèque
Si l’on peut se réjouir de son espace agréable
bien que modeste, des commodités de travail pour la lecture et le rangement des
livres sous la classification de Dewey ; que la médiathèque ait à sa tête un
professionnel issu de la filière documentation de l’ESSTIC (Ecole des sciences
et techniques de l’information et de la communication), il n’en demeure pas
moins que ce centre ploie sous de nombreux problèmes.
Depuis
sa mise en place, la médiathèque n’a pu assumer sa vocation de centre d’information
spécialisée dans l’accompagnement des jeunes en quête d’emploi et de formation,
par manque d’ouvrages et autres documents spécialisés dans les métiers et
l’information du monde professionnel de manière générale.
A ce problème d’un fonds documentaire insuffisant et en
marge des métiers et des formations, la médiathèque souffre de la vétusté
de son parc informatique, qui est d’ailleurs passé de 6 postes ordinateurs à
deux utilisables aujourd’hui par le public.
Toujours au chapitre des difficultés, le personnel est
réduit à la seule personne du médiathécaire, monsieur Mbitkui Patrice. Ce qui
limite son déploiement sur le terrain donc les possibilités de mobiliser
les ressources dont la médiathèque a besoin et assurer sa visibilité. Depuis un
certain nombre de mois, la médiathèque fait face une forte rareté de
financement qui touche au payement de salaire.
Vers un partenariat médiathèque du Cafrad et bibliothèque du Ccfb
Après la discussion avec monsieur Mbitkui, il s’est agit
pour moi, de lui apporter quelques idées sur la marche de sa structure. Aussi
j’ai suggéré à mon hôte, en ce qui concerne l’animation d’initier des activités
fonctionnellement légères, à très faible coût et mobilisateur. A cet effet je
lui ai fait la proposition un concours de la chanson et un autre de danse basés
sur les auteurs de son fonds documentaire dont le premier public cible sera les
clubs musique et danse du Cafrad. Cette activité aura comme avantage
à son service, de ramener les potentiels candidats dans les rayons, et de
le promouvoir un peu plus lors d’une cérémonie de compétition. Je l’ai
fortement encouragé à relancer le concours de poésie cette fois-ci en touchant
un ou deux établissements secondaires pilotes. Une dizaine de
candidatures serait une quantité appréciable. Les récompenses pourraient
être des dotations en ouvrages. La remise des lots en l’absence des moyens pour
organiser une telle manifestation, chaque lauréat et participant recevra son
lot en salle de classe parmi ses camarades, avec lecture de son poème.
Dans le cadre des réseaux de bibliothèques, j’ai
encouragé mon confrère à adhérer aux différents regroupements des
bibliothécaires aux plans national et international, et à créer même localement
un réseau de bibliothèques de quartiers. Dans la même optique, je n’ai relevé
le bénéfice pour Mbitkui de candidater au programme d’échanges
professionnels qui m’a permis de venir à sa rencontre.
Dans le cadre des éditions Ifrikiya dont le directeur
du CCFB assume également la direction, je me suis engagé à faciliter, la
remise d’un don d’ouvrages par la maison d’édition à la médiathèque du Cafrad,
tandis qu’elle accueillera en conférence, en dédicace les auteurs d’Ifrikiya
résidant ou de passage à Douala. De même ces derniers pourraient accorder
des interviews ou être invités à Radio Casmando pour parler de leurs
œuvres.
SOS en guise de conclusion
Il faut sauver la médiathèque du Cafrad.
Ce cri est d’abord lancé en direction des décideurs du Cafrad et de ses
partenaires qui, il faut le dire, ont eu une bonne pensée, la
volonté et le courage de créer et de donner vie à cet outil de développement
communautaire. Au regards des signes d’essoufflement de la structure,
pour l’intérêt des jeunes dont l'enthousiasme derrière les rayons de
livres et les deux postes ordinateurs, nous a fortement ému, il ne nous reste
que notre pouvoir d'émettre un SOS pour que la médiathèque ne disparaissent pas
du paysage de Douala. Ville de près de 3 millions d'habitants qui compte moins de 10 bibliothèques de
lecture publique.
Martin ANGUISSA
Responsable de la Bibliothèque du Centre culturel
Francis bebey
Yaoundé, Melen
, montée du parc national, dépôt de bois
Tel 96 39 28 08
Mail : anguissamart@yahoo.fr
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